L'essentiel sur...Les interdictions de vente aux mineurs

Les conduites addictives demeurent un problème majeur de société, en raison des dommages sanitaires et sociaux qu’elles induisent, de leurs conséquences en termes d’insécurité et de leur coût pour les finances publiques.

Chaque année en France, le tabac et l’alcool tuent respectivement 75 000 et 41 000 personnes. Le coût social du tabac sur un an est estimé à 156 milliards d’euros et celui de l’alcool à 102 milliards. L’alcool est également présent dans 30% des condamnations pour violences, plus de 40% des violences intrafamiliales, 30% des vols et agressions et un tiers des accidents mortels de la circulation routière. Les jeux d’argent et de hasard sont en expansion, alors qu’on dénombre déjà 1 million de joueurs à risque modéré et 370 000 joueurs excessifs.

S’agissant les consommations des jeunes, les récentes évolutions sont encourageantes. En 2022, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a mis en évidence un déclin marqué de l’usage des principales substances psychoactives parmi les collégiens en classe de 3ème. Cette baisse se confirme également à 17 ans. D’après les résultats de l’enquête ESCAPAD, publiés en mars 2023, 15,6% des adolescents consomment tous les jours du tabac (v/s 32,4% en 2014) ; près de 20 % d’entre eux n’ont jamais bu d’alcool et l’ensemble des indicateurs liés à ce produit sont à la baisse. 

Ces résultats ne doivent pas nous faire baisser la garde pour autant. Les consommations des mineurs sont notamment favorisées par un accès encore trop aisé à des produits dont la vente leur est interdite, qu’il s’agisse de l’alcool, du tabac, des produits de vapotage, des jeux d’argent et de hasard ou du protoxyde d’azote. 

Les interdictions de vente et d’offre aux mineurs doivent être respectées. Elles constituent des mesures fondamentales visant à protéger notre jeunesse de l’expérimentation précoce et de la consommation régulière de produits néfastes à leur développement, et susceptibles de générer des conséquences immédiates et/ou futures, proportionnelles à la précocité et à l’intensité des usages. 

On appelle « interdits protecteurs » l’ensemble des règles encadrant le marché de la vente d’alcool, de tabac, de produits de vapotage, de jeux d’argent et de hasard et de protoxyde d’azote, dont la finalité est de créer un environnement globalement protecteur pour les personnes, en particulier pour les jeunes. Ces interdits sont sanctionnés administrativement et/ou pénalement.
 

Chiffres clés

Infographie chiffres clés interdictions de vente aux mineurs

Focus sur la réglementation

Les interdictions de vente et d’offre aux mineurs de tabac, de boissons alcoolisées, de produits de vapotage, de jeux d’argent et de hasard et de protoxyde d’azote sont des obligations légales faites aux débitants et commerçants. Elles sont notamment rappelées lors des formations obligatoires des détaillants (pour l’alcool, le tabac ainsi que pour les jeux d’argent et de hasard) ainsi que dans les contrats établis entre les débitants et l’administration (tabac) 
Elles sont loin d’être respectées par tous. Pourtant, l’exemple d’autres pays montrent qu’elles sont très efficaces pour protéger notre jeunesse. Au Québec notamment, la mise en œuvre de contrôles par une police dédiée a permis d’atteindre 92% de respect de l’interdiction chez les débitants en 2017 contre 37% en 2003. En 2010, 32,9% des mineurs expérimentaient le tabac, ils n’étaient plus que 12,2% en 2017.

La vente ou l’offre de ces produits à un mineur exposent les débitants à des sanctions pénales ainsi qu’à des sanctions administratives et disciplinaires.

AlcoolArticle L. 3353-3 du code de la santé publique7 500 euros d’amendeFermeture administrative pour les débits à consommer sur place
TabacArticle R. 3515-5 du code de la santé publique135 euros (jusqu’à 750 euros possible)Avertissement ou amende administrative par la douane
Produits de vapotageArticle R. 3515-6 du code de la santé publique135 euros (jusqu’à 750 euros possible)/
Jeu d’argent et de hasardArticle R. 324-2 du code de la sécurité intérieure135 euros (jusqu’à 750 euros possible)Sanctions par la commission de discipline de l’Autorité nationale des jeux
Protoxyde d’azoteArticle L. 3611-3 du code de la santé publique    3 750 euros d’amende/

Rappel des obligations faites aux vendeurs :  

  • Les affichettes réglementaires rappelant l'interdiction de vente aux mineurs doivent être apposées trés clairement et à la vue du public. En cas de commercialisation de plusieurs de ces produits, il convient d’apposer les affichettes correspondantes (articles L. 3342-4, D. 3512-9-1 et D. 3513-1 du code de la santé publique). S’agissant des jeux d’argent et de hasard, l’arrêté du ministre chargé de la santé déterminant les modèles et les lieux d'apposition de ces affiches en application de l’article D. 320-1 du code de la sécurité intérieure n'a pas encore été pris. 
  • Un document officiel prouvant la majorité de l'acheteur est à demander (article L. 3342-1, L. 3512-12 et L. 3513-5 du code de la santé publique). S’agissant de L. 320-8 du code de la sécurité intérieure il est possible d’exiger ce document.
  • La vente aux mineurs ainsi qu'aux personnes ne pouvant prouver qu'elles sont majeures doit être refusée. 

Actions du gouvernement 

La protection des mineurs reste une priorité de la nouvelle stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives (SIMCA) 2023-2027, de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 et du programme national de lutte contre le tabac 2023-2027.

La SIMCA 2023-2027 détermine un ensemble d’orientations visant à améliorer l’encadrement de la vente d’alcool, de tabac et de jeux d’argent et de hasard, en particulier pour protéger les plus jeunes de l’usage à risque de ces produits. En effet, si l’adolescence est une période propice aux expérimentations, lorsque celles-ci sont précoces et dès lors que certains usages s’installent, les effets délétères sur la performance scolaire et ensuite sur l’insertion sociale et professionnelle peuvent être durables, et les risques de dépendance et les problèmes sanitaires majorés. 

Mobiliser les acteurs pour une meilleure application de la loi

La MILDECA s’est d’abord investie dans un rappel de la législation en vigueur afin de favoriser son application. En partenariat avec l’Association des maires de France (AMF), elle a en particulier diffusé en novembre 2019 un Guide pratique du Maire face aux conduites addictives, dont une version actualisée a été publiée en juin 2022. 

Concernant l’interdiction de vente de produits alcoolisés aux mineurs, elle a élargi son spectre d’intervention auprès de la Fédération nationale des comités organisateurs de festivités (FNCOF) depuis l’été 2022 et poursuit sa prospection vers d’autres organisateurs de festivités). Elle participe également au comité de pilotage national Jeunes et fêtes dirigé par la Direction pour la jeunesse et la vie associative et populaire (DJEPVA) afin de rappeler les enjeux autour des consommations des jeunes.

Dans un accord conclu au printemps 2019, la Fédération du commerce et de la distribution ainsi que les groupes Leclerc et Intermarché ont signé une charte d’engagement visant à améliorer les pratiques de vente d’alcool, en particulier le respect de l’interdiction de vente aux mineurs. Un engagement similaire a été pris par Epiciers de France.

Concernant l’interdiction de vente de tabac aux mineurs, la MILDECA, avec la Direction générale de la Santé, soutient les actions du Comité National de lutte contre le tabagisme, financé par le Fonds de lutte contre les addictions. 

S’agissant des jeux d’argent et de hasard, depuis 2020, la MILDECA participe, aux côtés de l’autorité de régulation du secteur (l’autorité nationale des jeux), aux travaux visant à faire respecter par les opérateurs de jeux l’interdiction d’accès des mineurs à cette activité.
Dans ce cadre, elle examine chaque année les plans d’actions soumis par les opérateurs en vue de prévenir le jeu excessif et le jeu des mineurs, de même que le bilan de la mise en œuvre des plans de l’année précédente.

Renforcer les contrôles du respect de l’interdiction de vente aux mineurs

La MILDECA et le ministère de l’Intérieur (Secrétariat général du ministère de l’Intérieur, Direction générale de la Police nationale, Direction générale de la Gendarmerie nationale, Préfecture de Police de Paris) ont élaboré conjointement et signé à l’été 2024 un protocole interministériel de contrôle du respect de l’interdiction de vente de l’alcool aux mineurs. Ce protocole est décliné en instructions opérationnelles à destination des forces de sécurité intérieure depuis le mois d’octobre 2024. Il est accompagné de la diffusion d’une dépêche de la chancellerie adressée aux procureurs.  

S’agissant du tabac et des produits du vapotage, des travaux interministériels sont conduits pour renforcer le contrôle de l’interdiction de vente.

Ailleurs sur le territoire

Une expérimentation dans 3 départements pour faire respecter l’interdiction de vente aux mineurs

Affiche collège Moutachy

Lancée entre 2021 et 2023 avec les préfectures de la Réunion, de la Martinique, et des Hauts-de-France, cette expérimentation avait pour objectif de rappeler leurs obligations aux professionnels et de sanctionner les manquements. La démarche s’est concrétisée par une phase de sensibilisation des professionnels par l’intermédiaire de leurs représentants et par un contact direct avec les forces de sécurité intérieure suivie d’une phase de contrôle des établissements pour constater les infractions éventuelles. Pilotée par les préfectures, cette expérimentation associait les parquets, les agences régionales de santé, les forces de sécurité intérieure, la douane et les collectivités locales, 

A noter, en Martinique, la préfecture a organisé un concours d’affiches entre collégiens et lycéens de la commune du Lamentin. Cette méthode a eu pour conséquences de sensibiliser directement les mineurs sur les risques encourus pour eux en matière de santé publique et de prendre conscience du pouvoir des commerçants à agir.

Idées reçues

Je suis mineur, je peux donc servir de l’alcool à d’autres mineurs à la buvette : FAUX

Les mineurs non émancipés et les majeurs sous tutelle ne peuvent exercer par eux-mêmes la profession de débitant de boissons (article L. 3336-1).

L’article L. 3336-4 du CSP pose le principe d’interdiction d’emploi ou de stage d’un mineur au sein d’un débit de boissons. 

Néanmoins, le code du travail, dans son article L. 4153-6, instaure une possibilité d’emploi des mineurs de 16 ans qui suivent une formation comportant une ou plusieurs périodes accomplies en entreprise, leur permettant d'acquérir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré dans le répertoire national des certifications professionnelles.

Le débit de boissons à consommer sur place (et permanent) doit être détenteur d'un agrément qui, aux termes de l’article R. 4153-8 du code du travail, est délivré par le préfet pour une durée de cinq ans renouvelable ; est accordé après vérification que les conditions d'accueil du jeune travailleur sont de nature à assurer sa santé, sa sécurité et son intégrité physique ou morale.

Boire de la bière quand on est adolescent, ça n’entraîne pas de grandes conséquences, il faut bien que jeunesse se passe : FAUX

D’un point de vue sanitaire, les expérimentations précoces ont de graves conséquences et augmentent les risques de dépendance, quel que soit l’alcool consommé. La maturation cérébrale qui se poursuit jusqu'à environ 25 ans rend les jeunes particulièrement sensibles aux effets neurotoxiques de l'alcool. Les effets délétères du « binge drinking » sur le cerveau (au moins 5 verres consommés dans un court délai), et les autres organes sont encore plus graves à l’adolescence qu’à l’âge adulte. Les boissons alcoolisées, même faiblement dosées en alcool peuvent conduire à consommer des boissons plus fortement alcoolisées par la suite.

Il est à noter que les premières initiations à l’alcool s’effectuent au sein du cercle familial. L’âge moyen d’expérimentation de l’alcool des mineurs se situe à 14 ans.

Je suis mineur, je peux parier en ligne sur mon équipe de foot préférée : FAUX 

La vente de jeux d'argent et de hasard aux mineurs est totalement interdite par la loi en France. Cette interdiction s'applique de la même manière à l’ensemble des jeux sur internet (par exemple les paris sportifs ou le poker en ligne) à tous les jeux sur support physique (notamment les jeux de loterie, de grattage, les paris hippiques), ou à ceux proposés dans les casinos (ces derniers étant interdits d’accès aux mineurs). Les jeux de casinos en ligne sont quant à eux illégaux.

Partant du constat que plus le jeu d'argent débute tôt, plus le risque de développer une addiction augmente, avec ses conséquences potentiellement dévastatrices (isolement, problèmes financiers, problèmes familiaux, scolaires etc. ...) le législateur a voulu protéger les plus jeunes des dangers inhérents à cette activité.

Je suis mineur je peux aller acheter un paquet de cigarettes pour mes parents : FAUX 

Comme pour l’alcool, la loi prévoit qu’il faut être âgé de 18 ans révolus pour se procurer du tabac chez les buralistes, seuls habilités à en vendre. 

Il en va de même pour les produits de vapotage, qui peuvent également être vendus dans d’autres commerces que chez les débitants de tabac.

Il appartient au débitant de tabac / commerçant d’exiger de son client qu’il fasse la preuve de sa majorité. En cas de vente de produits du tabac ou de vapotage à un mineur, il s’expose à une sanction pénale, voire disciplinaire. 

Le débitant doit également informer le public des dispositions en vigueur en apposant de façon visible l’affichette règlementaire prévue par l’arrêté du 22 août 2016 relatif aux produits du tabac et du vapotage, conformément aux dispositions du code de la santé publique.