L’Essentiel sur … Addictions en milieu professionnel : employeurs et employés, tous concernés
Les conduites addictives, consommations de substances psychoactives ou usages problématiques, représentent des enjeux majeurs en termes de santé et de sécurité publiques, mais aussi de cohésion et d’insertion sociales, avec des coûts sociaux colossaux et des conséquences multiples dans toutes les dimensions de la société. Le milieu de travail n’est pas épargné par ces problématiques, même si l’environnement de travail peut être un facteur d’intégration et de protection des travailleurs face au risque de conduites addictives. Les personnes sans emploi ont en effet des niveaux de consommation d’alcool, de tabac et de cannabis supérieurs à ceux des actifs occupés. Ce constat général cache une grande diversité de situations selon les métiers, les catégories professionnelles, l’âge et le sexe.
Mais l’environnement professionnel peut également comporter un risque de vulnérabilité, certaines conditions et organisations du travail pouvant déclencher ou aggraver des conduites addictives, quelles que soient les pratiques, qu’elles se déroulent avant, pendant ou après le travail (stress, risques psychosociaux, métiers qui impliquent de faire face à l’hostilité ou gérer des situations de conflits, surcharge de travail, conditions de travail physiques difficiles, horaires décalés, …).
La prévention des conduites addictives en milieu de travail relève d’abord d’une responsabilité des employeurs, qui doivent assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Elle doit s’envisager dans un cadre collectif et positif destiné à créer un environnement de travail protecteur favorable à la santé et à la sécurité et s’inscrivant dans un objectif de qualité de vie au travail et d’amélioration du bien-être des salariés ou des agents.
La santé individuelle des travailleurs et la santé collective de l’entreprise sont en jeu, car les conduites addictives peuvent être à la fois un symptôme et une conséquence de dysfonctionnements dans l’organisation du travail ou le management.
Chiffres clés

Addiction et travail, des interactions aux implications multiples
L’environnement de travail peut protéger ou, au contraire, fragiliser face au risque d’addiction. Les entreprises et les administrations doivent prendre en compte les liens entre les organisations et conditions de travail et les risques induits de conduites addictives, afin de rendre l’environnement professionnel plus protecteur.
Les facteurs de risque liés au travail
- Les risques psychosociaux, les conditions de travail pénibles et le stress au travail favorisent la consommation de substances psychoactives, pour « tenir » physiquement et psychiquement.
La recherche de la performance, l’obligation de répondre aux exigences de productivité et/ou un climat de compétition entre les travailleurs peuvent pousser certains professionnels à se « doper » ou à tomber dans l’addiction au travail (le « workaholisme »). Celle-ci peut être renforcée par l’utilisation d’outils numériques qui brouillent les frontières entre temps privé et temps professionnel (le « blurring »). - L’accessibilité des substances (tabac, alcool et médicaments notamment) sur le lieu du travail incite à consommer et doit donc être prise en compte pour prévenir les risques collectifs pour la santé des salariés et des agents.
- Certaines cultures organisationnelles favorisent les consommations d’alcool, organisées ou non par l’employeur pour « récompenser » leurs effectifs (pots internes, signatures de contrats, etc.), de même des rituels d’intégration ou de socialisation entre collègues constituent des incitations à consommer (apéros entre collègues, afterworks, etc.).
Les risques associés à l’usage de substances psychoactives : Perte d’emploi et accidents du travail graves
Un risque aggravé de perte d’emploi
L’usage d’alcool, de tabac ou de cannabis est associé à un risque augmenté de perte d’emploi à court terme. Tous les travailleurs sont potentiellement concernés, quels que soient l’âge, le sexe, l’existence de symptômes dépressifs et l’état de santé général.
Un frein pour l’insertion dans l’emploi
Pour les jeunes, la consommation hebdomadaire de cannabis et l'usage d'alcool à risque augmentent le risque de ne pas accéder à l’emploi.
Cannabis et arrêts de travail
Consommer régulièrement du cannabis est associé à un risque augmenté d’environ 60% d’avoir un arrêt de travail de courte durée dans les 12 mois (1 à 7 jours), et d’environ 30% d’avoir un arrêt de travail de durée moyenne (8 à 28 jours) dans les 12 mois
Alcool et accidents du travail graves
Le risque d’accidents du travail graves est multiplié par 2 dès lors qu’il existe une consommation d’alcool hebdomadaire excessive (définie par au moins 2 verres par jour chez les femmes et 4 verres par jour chez les hommes).
Ce risque est augmenté de 50% pour ceux qui ont une API* au moins une fois par semaine.
* API : Alcoolisation Ponctuelle Importante (consommation d’au moins 6 verres en une seule occasion)
L’Action gouvernementale
Au regard de ces facteurs, les employeurs prennent de plus en plus en compte les questions des conduites addictives et leur lien avec les organisations de travail, faisant du milieu professionnel un environnement clé pour la prévention des conduites addictives.
S’éloignant d’une conception considérant ce phénomène comme un problème uniquement individuel et relevant de la vie privée, les entreprises et les administrations tendent à privilégier une démarche collective, centrée sur la santé et la sécurité des salariés et des agents, et susceptible de créer un environnement de travail protecteur vis-à-vis des pratiques addictives.
La prévention apparaît comme une nécessité, un investissement utile au bon fonctionnement des organisations et à la qualité du travail, aussi bien qu’à l’amélioration de l’image de la structure employeuse et de son attractivité en matière de recrutement.
Ainsi, la prévention des conduites addictives est inscrite comme l’un des paramètres du management de tout employeur et un enjeu de responsabilité sociale, comme souligné dans le plan de santé au travail 2021-2025.
Cette tendance favorable invite à poursuivre les efforts engagés autour de différents axes :
- Améliorer les connaissances et les compétences des acteurs du monde du travail dans le domaine des addictions, notamment par des actions de sensibilisation et de formation.
- Utiliser des méthodes validées telles que le repérage précoce et l’intervention brève (RPIB) afin d’engager une démarche de prévention individuelle si nécessaire, repérer les consommations à risques et contribuer à réaliser un diagnostic collectif de la structure.
- Encourager et valoriser les expériences d’accompagnement des travailleurs présentant des conduites addictives pour prévenir les inaptitudes et la désinsertion professionnelle.
Le dispositif ESPER
Le dispositif ESPER, « les Entreprises et les Services Publics s’Engagent Résolument » pour la prévention des conduites addictives et la promotion de la santé en milieu de travail vise à accompagner et valoriser les entreprises et les administrations qui s’engagent en faveur d’une prévention positive, collective et inscrite dans la durée au sein de leurs organisations de travail.
Les objectifs sont clairs :
- Provoquer une réelle prise de conscience de l’ensemble des acteurs du monde du travail en brisant le tabou sur l’usage de substances psychoactives, en prenant en compte les liens entre l’environnement de travail et les conduites addictive.
- Promouvoir un environnement de travail favorable à la santé de tous et mobiliser l’ensemble de l’organisation pour améliorer la qualité de vie et du bien-être au travail des salariés et des agents et les résultats économiques et sociaux des entreprises.
ESPER en bref :
- Un dispositif opérationnel reposant sur une charte avec 4 engagements pour guider l’action.
- Une synergie pour permettre un partage d’expériences et de pratiques, avec une animation nationale (ateliers par groupes de signataires), un maillage territorial soutenu par les partenaires du dispositif grâce à leurs réseaux de proximité, un espace collaboratif.
- Des informations et des ressources : une boite à outils accessible permettant de choisir les actions les plus adaptées, une newsletter trimestrielle.
Consulter l’espace ESPER sur le site de la MILDECA
Prendre contact : esper.mildeca@pm.gouv.fr
Addict’AIDE Pro : le portail des addictions en milieu professionnel
Conçu avec le soutien de la MILDECA, du ministère du Travail et de nombreux autres partenaires, le portail Pro de la plateforme Addict’AIDE issue du Fonds Actions Addictions (F2A), est entièrement dédié à la prévention des addictions en milieu professionnel.
Que vous soyez dirigeant, chargé des ressources humaines, manager, salarié, agent, représentant du personnel ou médecin du travail, vous êtes concerné par les addictions ! Comment gérer une situation de crise ? Comment inscrire les addictions dans une démarche de prévention ? Quel est le cadre juridique des addictions au travail ? Découvrez sur https://www.addictaide.fr/pro une sélection d’outils, de bonnes pratiques, de ressources et de témoignages pour prévenir les addictions.
ESPER sur le territoire…
Depuis son lancement fin 2021, de plus en plus d'entreprises et d'administrations s’engagent dans le dispositif ESPER.
Idées reçues
Le tabac aide à réduire le stress ou les tensions au travail
Le tabac en soi est un facteur de stress. Sa consommation entraine une augmentation de la tension artérielle, un rétrécissement des artères et une accélération de la fréquence cardiaque. Plus on fume, plus le manque ressenti est fort, plus le stress augmente.
Consommer de l’alcool ou de la drogue est une affaire strictement privée
Les recherches en sciences humaines et sociales et en santé publique démontrent que les conduites addictives sont multifactorielles et augmentent significativement le risque de perte d’emploi à court et moyen termes. La prévalence des consommations évolue notamment en fonction du travail et des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés.
Les dirigeants ont la responsabilité de définir les objectifs de la politique de prévention dans leur entreprise, y compris la prévention des usages de tabac, d’alcool et de drogues, afin d’assurer la santé et la sécurité au travail de leurs salariés. Pour cela, ils doivent garantir des processus de travail adaptés.
Un joint avant d’aller au boulot, ce n’est pas dangereux
Le risque routier chez les professionnels constitue la première cause d’accident mortel de travail (20%). Les stupéfiants (et dans 85 à 90% du temps, le cannabis) sont présents dans près d’un quart des accidents mortels de la route.
Un conducteur positif à la fois au cannabis et à l’alcool multiplie par 29 son risque d’être responsable d’un accident mortel. Les conséquences ne sont pas uniquement individuelles car l’entreprise est aussi impactée s’il s’agit d’un accident de trajet (entre le domicile et le lieu de travail).
Prendre une bière ou du vin pendant ma pause à la cantine, ça ne m’empêchera pas d’être efficace au travail après
La bière et le vin sont des boissons alcoolisées et à ce titre, elles sont aussi dangereuses que d’autres types d’alcool ; de plus, la bière est en général consommée en plus grande quantité. Un demi de bière (25 cl) équivaut à un verre de whisky ou de vodka à 40° (3 cl) soit une dose standard de 10 grammes d’alcool pur. L’alcool a des effets sur les capacités cognitives et sur le comportement en situation de travail même lorsqu’il est consommé ponctuellement (diminution de l’acuité visuelle et auditive, de l’attention, de la concentration, du temps de réaction, etc.). Le risque d’être responsable d’un accident mortel est multiplié par 17,8 chez les conducteurs alcoolisés.