L’Essentiel sur… les usages problématiques d’écrans

En 2023, la France compte 92,8%1* de foyers connectés et 47,4 millions d’internautes mensuels**. Deux Français sur trois se connectent chaque jour sur les réseaux sociaux et les messageries instantanées. Les usages se concentrent majoritairement sur le smartphone, facilitant la connexion en tout lieu et à tout moment.

Ces pratiques numériques évoluent rapidement et entrainent de profonds changements de nos sociétés (modes de socialisation, loisirs, pratiques professionnelles, essor de nouveaux champs économiques, etc.). Si les écrans sont désormais incontournables, ils entraînent, à tout âge, des risques associés à des usages excessifs ou problématiques. Concernant les adultes, le cumul d’usages personnel et professionnel des écrans, accentué par le développement du télétravail, peut provoquer des impacts négatifs sur le bien-être et la santé mentale. Quel que soit l’âge, la pratique des jeux vidéo peut devenir problématique lorsqu’elle est associée à une perte de contrôle et affecte les autres domaines de la vie du joueur. Une majorité des sondés interrogés dans le Baromètre 2024 MILDECA / Harris Interactive sur les usages d’écrans et les problématiques associées déclare ne pas parvenir à diminuer ou arrêter leurs activités alors qu’ils souhaiteraient le faire***.

Le rapport « Enfants et écrans : A la recherche du temps perdu », remis au Président de la République en avril 2024, dégage un consensus sur les conséquences délétères des écrans sur plusieurs aspects de la santé des enfants et des adolescents. Le temps passé devant un écran peut empiéter sur des apprentissages essentiels à leur développement physique, psychique et social. Un usage excessif peut avoir des conséquences sur le développement du cerveau des enfants, leur apprentissage des compétences fondamentales et leur capacité d’attention****. Afin de protéger les enfants et leur bien-être, l’entourage doit être vigilant et s’assurer du bon usage des écrans.

Doter les parents et les usagers de repères et d’outils simples pour mieux maîtriser les pratiques numériques, informer les professionnels sur les ressources fiables pour les accompagner, développer la recherche pour mieux connaître les vulnérabilités, expérimenter des dispositifs innovants de prise en charge des usages problématiques constituent autant de priorités de l’action publique.

* https://www.mediametrie.fr/fr/suivre-levolution-des-equipements-et-abonnements-multimedias-des-francais-une-necessite-pour  
** https://www.mediametrie.fr/fr/lannee-internet-2023  
*** https://www.drogues.gouv.fr/publication-des-resultats-de-la-quatrieme-edition-du-barometre-mildecaharris-interactive-sur-les  
**** https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/appel_090419.pdf 

1- « Les jeux d’argent et de hasard à 17 ans ». Résultats d’ESCAPAD 2022, OFDT https://www.ofdt.fr/publication/2023/les-jeux-d-argent-et-de-hasard-17-ans-resultats-d-escapad-2022-1544

2- « An umbrella review of the benefits and risks associated with youths’ interactions with electronic screens » – Université catholique d’Australie - Institute for Positive Psychology and Education (Taren Sanders, novembre 2023) (Méta-analyse reposant sur plus de 400 000 participants, 155 rapports et 33 pays).

3- Impact sur l’environnement : https://www.arcep.fr/actualites/actualites-et-communiques/detail/n/environnement-190122.html 

 Rapport "enfant & écrans : à la recherche du temps perdu" 

Ce rapport, remis par la commission d’experts au Président de la République en avril 2024 fait état d’une hyperconnexion subie des enfants et est favorable au renforcement de la recommandation en vigueur de ne pas exposer les enfants de moins de 3 ans aux écrans, et de déconseiller leur usage jusqu’à l’âge de 6 ans, ou tout au moins qu’il soit fortement limité, occasionnel, avec des contenus à qualité éducative, et accompagné par un adulte. Après 6 ans, le rapport propose de tendre vers une exposition modérée et contrôlée trouvant sa juste place parmi des activités qui se doivent d’être diversifiées et variées pour le développement des enfants et des adolescents.

La Commission estime par ailleurs qu’il n’est pas opportun que les enfants disposent de téléphone portable avant l’âge de 11 ans, soit l’entrée dans le secondaire ; qu’à partir de 11 ans, s’ils disposent d’un téléphone, celui-ci ne puisse pas être utilisé pour se connecter à Internet ; qu’à partir de 13 ans s’ils disposent d’un téléphone connecté, il ne doit pas permettre d’accéder aux réseaux sociaux ni aux contenus illégaux ; qu’à compter de 15 ans, âge symbolique de la majorité numérique, l’accès aux réseaux sociaux soit limité à ceux pourvus d’une conception éthique.

Les recommandations du rapport « enfant et écrans » sont confortés par les résultats du Baromètre 2024 MILDECA / Harris Interactive sur les usages des écrans et des problématiques associées ; il se dégage notamment une forte demande de régulation des écrans au bénéfice des plus jeunes :

9 Français sur 10 sont favorables à l’interdiction des écrans, que ce soit dans les lieux collectifs de la petite enfance (90%) ou dans les écoles maternelles (88%). 

69% des Français seraient disposés à renoncer à l’achat d’un téléphone avant 13 ans, un consensus partagé au-delà du fait d’avoir des enfants concernés ou non.

84% des Français seraient prêts à renoncer à l’achat d’un téléphone portable avec ou sans accès internet à un enfant avant l’âge de 11 ans dont plus d’un sur deux « tout à fait prêt ».

75% des Français souhaitent que les usages soient fortement restreints dans les lycées & 73% sont favorables à l’interdiction des réseaux sociaux aux enfants avant l’âge de 15 ans.

Les priorités de l'action gouvernementale 

Bien que le caractère addictif de l’usage d’écrans au sens large soit encore discuté, la reconnaissance de l’existence d’usages problématiques des écrans fait désormais consensus. A ce jour, seul le trouble lié aux jeux vidéo (gaming disorder) est reconnu par l’OMS et intégré à la classification internationale des maladies (CIM 11). La prévention de l’usage problématique des écrans fait donc pleinement sens avec les actions engagées par la MILDECA depuis 2018.

Ainsi la stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 incite chacun à interroger la place des écrans au sein de son foyer et plus largement dans sa vie quotidienne.

Pour guider le grand public vers un bon usage des écrans, des informations et des outils simples et accessibles, existent tels que :

  • La campagne d’information télévisuelle annuelle « Enfants et écrans » de l’ARCOM rappelle que les programmes télévisuels, quels qu’ils soient, ne sont pas adaptés aux enfants de - 3 ans.
  • La Caisse nationale d’Allocations Familiales a conçu, avec le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI) sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale, la série « La Famille Tout-Ecran ».
  • Le site jeprotegemonenfant.gouv.fr est une plateforme d’information à destination des parents pour lutter contre l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques en ligne.
  • La plateforme PIX est un outil d’évaluation en ligne des compétences numériques à destination des collégiens, lycéens, étudiant et stagiaires. Un programme PIX à destination des élèves de 6ème est aussi rendue obligatoire depuis la rentrée 2024.
  • La plateforme FamiNum.com propose aux parents et enfants une expérience guidée et entièrement personnalisable afin de créer sa propre charte numérique d’utilisation des écrans.

La SIMCA 2023-2027 met également l’accent sur le repérage et la prise en charge, notamment en direction des jeunes. Enfin, la recherche sur les risques liés à la pratique excessive des écrans continue à être encouragée, afin de mieux documenter le type d’usages ou de contenus susceptibles d’être problématiques, les effets sur les usagers ainsi que l’efficacité des différents types de régulation envisageables.

Le cadre de régulation des jeux à objets numériques (JONUM)

Regroupée sous le sigle JONUM, une nouvelle catégorie de jeux en ligne s’est développée en prenant notamment appui sur les technologies dites « Web3 », telles que la blockchain et les jetons non-fongibles (NFT) et se caractérise par l’utilisation d’objets numériques achetés ou gagnés par les joueurs, qui peuvent être utilisés dans le jeu, mais également revendus à d’autres joueurs ou à des collectionneurs sur des marchés secondaires.

Promulguée en 2024, la loi SREN encadre ces JONUM, elle prévoie, à partir de 2025 et pour une durée de trois ans, une expérimentation qui autorise certains jeux en ligne faisant appel au hasard et permettant l’obtention, contre un sacrifice financier, d’objets numériques monétisables.

Cette réglementation s’inscrit dans la continuité des textes législatifs pris en 2010 et 2019 pour encadrer certains jeux et paris en ligne et réguler une offre de marché illégale de jeux sur Internet.

Sans entrer dans la catégorie des JONUM, à l’heure actuelle, les micro-transactions et les DLC représentent 17% du chiffre d’affaires du jeu vidéo sur console et 30% pour l’écosystème PC*.

* https://www.sell.fr/sites/default/files/essentiel-jeu-video/lessentiel_du_jeu_video_bilan_marche_2022_sell_1.pdf 

Et ailleurs sur le territoire…

Châteauroux Métropole et le Défi sans écrans :

Depuis plusieurs années, une campagne de prévention sur le numérique et d’éducation à la santé est lancée avec notamment le défi « Écran(s) à la diète ». Une action ludique à laquelle s’associent de nombreux établissements scolaires de l’agglomération mais aussi des parents. Le défi collectif consiste à remplacer, pendant une semaine, le temps passé habituellement devant les écrans par des activités de découverte et de rencontre afin de partager des moments conviviaux voire festifs.

La ville de Saint-Denis et le guide « bien grandir dans un monde sans écran » :

La collectivité est à l’initiative d’un guide pour les parents de jeunes enfants (0-6 ans) afin de leur donner conseils et explications sur les bonnes pratiques à adopter. La collectivité a aussi mis en place des sessions d’information pour les parents et de formation pour les professionnels. https://ville-saint-denis.fr/actualites  

La ville de Quimper et le projet « moins d’écrans, un jeu d’enfants » :

La collectivité a mis en place une série d’actions de sensibilisation sur deux semaines pour favoriser la prise de conscience et reprendre le contrôle des écrans. Présentations d’études scientifiques, débat et défi sont les principales actions. https://espaceassociatif.bzh/Evenement/793  
 

 Idées reçues 

1. « On ne peut être addict qu’à une substance »

L’addiction, au sens médical du terme, peut aussi être le résultat d’une interaction entre un individu et des objets externes, tels que les jeux. Ces addictions touchent les mêmes systèmes cérébraux que les addictions aux produits (alcool, tabac, drogues) et se caractérisent par le même type de troubles, en particulier une perte de contrôle, l’augmentation de la priorité accordée à cette conduite et sa poursuite malgré l’apparition de conséquences négatives.

Ainsi, on constate que chez une faible proportion d’usagers, notamment de jeu vidéo ou de jeux d’argent en ligne, la perte de contrôle du temps passé à jouer est manifeste et occasionne des conséquences parfois importantes sur la vie quotidienne (endettement, isolement, dépression…).

Il existe des outils pour évaluer son comportement face aux écrans et aux jeux vidéo comme le Game Addiction Scale ou le Test IAT (Internet Addiction Test).

2. « Il n’existe pas de structures pour se soigner des écrans »

Quel que soit l’âge et les difficultés, des structures d’aide existent : pour les plus jeunes, les structures de pédopsychiatrie, les centres médico-psycho- pédagogiques (CMPP) et les maisons des adolescents (MDA) sont les plus adaptés. Pour les plus âgés, il existe 540 Consultations jeunes consommateurs (CJC) réparties dans tous les départements.

Dans les deux cas, ces consultations accueillent des jeunes consommateurs ainsi que leur entourage et toutes les conduites addictives peuvent y être abordées : alcool, cannabis, tabac, jeux d’argent et de hasard, jeux vidéo ou Internet… Les jeunes peuvent s’y rendre seuls ou accompagnés de leurs parents ou d’un proche. Les parents peuvent également être reçus sans le jeune concerné.

Des plateformes de signalement existent également : 

Pointdecontact.net pour signaler des contenus illicites ou e-enfance.org au 30 18 est le numéro vert national destiné aux enfants et adolescents victimes de violences numériques.

3. « Il n’existe aucun moyen de s’autoréguler face aux écrans »

De nombreuses applications permettent d’évaluer le temps passé sur les réseaux sociaux et sur Internet. Les plateformes développent elles aussi des outils pour mesurer sa consommation. Des logiciels de contrôle parental permettent de limiter le temps d’écran des plus jeunes. Sans s’appuyer sur un dispositif externe, un travail individuel et/ou familial de prise de conscience de la pratique et d’éventuels excès peut aussi être très pertinent.

4. « Les usages problématiques des écrans sont spécifiques aux enfants »

Les usages d’écrans par des adultes sont aussi susceptibles d’être problématiques, dès lors qu’ils se font au détriment d’autres activités sociales essentielles ou se caractérisent par une perte de contrôle. Au sein de la population active, le phénomène de « blurring » désigne une porosité, un flou, entre le temps de travail et le temps personnel, qui peut dégrader la qualité de vie et occasionner des dommages sur la santé mentale des salariés.

5. « Les écrans rendent autiste ! »

La communauté scientifique a établi que l’origine des troubles du spectre de l’autisme (TSA) était multifactorielle et largement génétique*. En revanche, un usage excessif d’écrans, en particulier durant la petite enfance, peut entraver le développement des capacités psychomotrices et freiner le développement du langage par l’absence d’interaction sociale.
* https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/autisme